Les rues de l'épi d'or (Carrés E3, E4, F3 et F4)
L’ORIGINE DES NOMS DES RUES DU PLATEAU DE ÉPI D’OR
La loi sur les rues.

Pourquoi ce nom d’ « Épi d’Or » ? La terre de ce plateau est composée de glaises mélangées en quantités convenables de silice pulvérulente et de calcaire,
formant ainsi une composition propre à la culture des céréales, surtout du blé. En dessous, une espèce de couche épaisse de pierre meulière qui ne laisse pas passer l’eau.
Pierre légère et résistante, élément de choix pour la construction dans la région.
L’attribution d’un nom, quel qu’en soit le porteur : personnage, lieu, objet, etc…constitue toujours un acte important
Il indique la volonté de l’auteur du choix de les distinguer et de les honorer. Il en est ainsi du nom des rues que l’on qualifie sous le terme « Odonomie ».
Les choix sont variables dans le temps et l’espace. Ils font en général référence à des situations, à des personnages de célébrités diverses, à des changements de régimes,
guerres, révolutions, bâtiments, églises, châteaux, etc…Dans certains cas, on use de noms neutres, dérivés de la flore ou de la nature.
Par la Loi du 14 décembre 1789, les conseils municipaux, dans toutes les communes de France ont reçu parmi leurs attributions la dénomination des voies.
Il appartient donc, aux conseils municipaux, de délibérer sur les dénominations des rues, lesquelles sont ensuite soumises à l’approbation de l’autorité préfectorale,
lorsqu’elles se rapportent à un événement historique ou qu’elles constituent un hommage à un personnage.
Il y a une rue Jean Forest à St-Cyr l’École située dans le quartier de l’Épi d’Or. Si vous demandez, par exemple, à la mairie ou à un habitant, qui est Jean Forest, on ne sait pas.
Conformément à la loi, on ne trouve aucune délibération dans les archives concernant cette rue. Ce constat se fait pour les rues figurantes sur le plan de la ville de 1928.
Les décisions.
Ces dénominations ne peuvent se faire par délibérations municipales que sur des voies ou rues du domaine public lui appartenant, excluant le domaine privé.
Ce sera le cas pour la création du lotissement du Plateau de l’Épi d’Or. Seules trois voies sont du domaine public, donc, dépendent de la municipalité. Ce sont :
1--L’avenue Louis Philippe qui devient le boulevard de la Liberté (délibération du 17 février 1923).
2--Le Chemin des Avenues dépendant du département dont une partie entre l’avenue Pierre Curie et le boulevard de la Liberté cédée à la commune, dénommée d’abord chemin de Bouviers
devient
rue Émile Zola
(délibération du 17 février 1923)
3--Le chemin vicinal n° 5 qui part du pont de la gare, longe le mur du Grand Parc du Château, traverse la route Royale pour aboutir à l’entrée du Bois Robert.
La délibération du 8 novembre 1911 donnera le nom de « chemin de l’Agent Dufraine » entre le départ du pont de chemin de fer et l’accès au domaine du « château des alouettes ».
Cette dénomination s’étendra plus tard à tout le chemin vicinal puis par délibération municipale du 22 août 1925, la rue Francisco Ferrer.

Peu après son élection municipale le 12 mai 1912, Emile Leroy, marchand de meubles, ébéniste, tapissier, adjoint du maire Cyrille Laureau, va acheter par étapes la plus grande
partie du terrain du plateau de l’Épi d’Or pour le lotir. Seuls, échappent à cette vente, un château et son domaine appartenant à Mr Escande desservis par le chemin de
Bouviers (Zola) et un autre terrain, dont le propriétaire est Mr Piche, cultivateur. (Lieu où sera construite l’école Ernest Bizet dès 1937). Le terrain acheté par Leroy
est traversé par une voie de chemin de fer construite dès 1909 par le Génie militaire du camp de Satory. Il est donc aussi coupé en deux, allant de l’Ouest vers l’Est,
par un long chemin qui aboutit à la Porte (dite du Bois Robert) du mur du Grand Parc du château de Versailles. Chemin dont la nomination au cours du temps sera donc la route
Royale, puis l’avenue Louis Philippe, le boulevard de la Liberté en 1923, et Henri Barbusse en 1935. Au Sud de cette voie, les terres appartiennent à une ferme, dite du Plateau.
Un puits très profond l’alimente en eau. Au Nord de cette voie, le terrain, jusqu’à la ligne de chemin de fer appartient en grande partie au clergé. Sur ce terrain se trouvent
une importante châtaigneraie datant de l’existence de la Maison Royale, fondation de Madame de Maintenon et près de la gare un « château » dit des Alouettes. Celui-ci était une
petite entreprise gérée par un prêtre où des couturières fabriquaient des soutanes et des habits.
Pour accéder à ce plateau à partir de la route Nationale (N 10), Pierre Curie, aujourd’hui, il existait avant 1910 seulement deux chemins vicinaux surtout empruntés par le monde
agricole. Le chemin de Bouviers qui deviendra la
rue Émile Zola
et le chemin des Avenues bordant un étang asséché. (Lieu du futur stade). L’autre chemin est celui, partant du
pont de chemin de fer, près de la gare, longeant le mur du Grand Parc du château de Versailles, traversant la route Royale pour atteindre le Bois Robert.
L’urbanisation de ce plateau est d’une très grande importance pour sa réalisation et nécessite la création de la « Société de l’Épi d’Or » dont Émile Leroy (2ème adjoint au maire)
en est le dirigeant. Il est assisté de Maximilien Marchand, géomètre (1er adjoint au maire) et aussi de l’agent voyer Dufraine. L’agent voyer municipal, ancien nom des ingénieurs
du service vicinal, était préposé à la construction, à l’entretien et à la police des chemins vicinaux.
L’urbanisation va donc se faire progressivement par 4 tranches pour des raisons de financement. La vente d’une tranche permettant de mettre en chantier la suivante.
Le terrain est donc divisé en 4 sections. Celles-ci, sont les suivantes, localisées avec leur nom d’aujourd’hui, en 2016.
Première section : rue de Bièvre—impasse de Bièvres—rue des Tilleuls.
Deuxième section : rue Jean François—rue André Cordier—rue Châtaignier des Dames.
Troisième section : rue Francisco Ferrer—rue Jean Forest—rue du Bel Air—rue Paul Vaillant Couturier—rue des Bleuets—Impasse La Fontaine.
Quatrième section : rue de l’Union—rue du 12 février 1934—rue du Bois Robert—rue du Plateau.
Le lotisseur ne s’était pas préoccupé de l’aménagement des voies d’accès aux lots. Aucune rue viabilisée ne desservait ceux-ci, mais seulement des chemins pas carrossables.
Aucune Loi ne l’obligeait à assurer cette viabilité puisque les voies municipales qui desservaient ce lotissement ne l’étaient pas : les rues de l’Agent Dufraine (Ferrer),
Bouviers (Zola) et le boulevard de la Liberté (Barbusse). Aucun contrat de travaux publics ou de génie civil n’avait été prescrit entre le lotisseur et la municipalité.
Ce qui est surprenant, étant donné que ce lotisseur était un adjoint au maire Cyrille Laureau.
Alors un différend éclata entre ce vendeur et les acquéreurs des lots. Ceux-ci formèrent un Syndicat d’Union pour obtenir surtout l’eau et l’éclairage au gaz. Plusieurs
procès auront lieu sans succès. La guerre 1914-1918 va interrompre la vente. Charles Émile, fils d’Émile Leroy, né en 1895, est tué comme pilote aviateur, pendant cette guerre,
le 30 avril 1917. Ces ventes reprendront en 1919.
Avec une nouvelle Municipalité.
Le 30 novembre 1919 a lieu l’élection municipale au scrutin uninominal. Deux listes sont présentes : celle d’Ernest Bizet et celle du maire sortant Cyrille Laureau.
Un seul tour suffit pour élire les 21 conseillers qui désigneront le socialiste Ernest Bizet comme maire, le 19 décembre 1919. La liste conservatrice de Cyrille
Laureau est donc battue ; la conséquence est le départ de l’adjoint, Émile Leroy, le lotisseur.
Ernest Bizet va soutenir les revendications des acquéreurs. Finalement, après des négociations tripartites (La Municipalité, le Syndicat et le lotisseur), la commune prendra
la maitrise des travaux mais fera participer le lotisseur aux dépenses pour ce qui le concerne. Pour la Municipalité, deux grandes voies sont réalisées en 1923 : la rue Émile
Zola (ancienne rue de Bouviers, délibération du 17 février 1923) et de l’Agent Dufraine (Sera nommée Francisco Ferrer par délibération du 22 août 1925).
Le boulevard de la Liberté ne fait pas partie de la voirie communale, mais dépend comme aujourd’hui du département pour certaines dépenses. Cependant, par délibération du
17 février 1923, la Municipalité lui donnera le nom de boulevard Barbusse.
Les habitants avec leur syndicat vont choisir le nom de leur rue qui sera entériné au fur et à mesure de sa réalisation, sans délibération par la Municipalité, par simple
intégration dans la voirie communale, dès 1923.
Les choix sont à classer dans trois groupes : de la nature, d’une situation particulière, de personnages.
De la nature.
Rues des Tilleuls, du Buisson (Sera nommé André Cordier, par délibération du 10 mai 1946), des Bleuets, Bois Robert, du Bel Air, du Plateau, de Bièvre
(Se trouve à proximité de la Fontaine des Gobelins, source de cette rivière au hameau de Bouviers à Guyancourt), du Châtaignier des Dames (Donné en mémoire de la Maison
Royale de Saint-Louis, Fondation de Madame de Maintenon qui possédait en ce lieu un terrain planté de châtaigniers). Ajoutons-y, deux impasses : Bièvre et La Fontaine.
D’une situation particulière.
Rue de l’Avenir (Répond à celui du lotissement, sera nommé Jean François par délibération du 10 mai 1946), rue de l’Union (Celle de la motivation syndicale créée).
Rue des Alluets (Sera nommée Paul Vaillant Couturier par délibération d’octobre 1937, puis de Strasbourg, le 29 avril 1940, exigence du gouvernement Daladier,
avant l’occupation allemande de la ville le 14 juin 1940. Elle reprend son nom après la Libération), cette rue se situe à l’emplacement de l’ancien château
« des Alouettes » qui a été démoli pendant la guerre 1914-1918. Ce domaine du clergé jouissait de certains privilèges accordés par le roi. C’est la principale
cause étymologique du mot Alluet, car « alleu » signifiait territoire exempté d’impôts.
De personnages.
Il s’agit de Pierre Jean de Béranger et de Jean Forest.
Pierre Jean de BÉRANGER


De son vivant, de grandes figures lui ont rendu hommage tel que Chateaubriand « Un des plus grands poètes que la France ait jamais produit » ou Goethe « C’est le génie de
pure race, magnifique et inespéré ».
Il meurt pauvre : le gouvernement impérial fera les frais de ses funérailles. Sa tombe se trouve au Cimetière du Père-Lachaise. Pendant plusieurs décennies, un pèlerinage
annuel aura lieu à son tombeau. Le 19 août 1880, a lieu l’inauguration de sa statue en bronze. Celle-ci sera détruite pour récupérer le métal, en 1941, pendant l’occupation
allemande, mais remplacée après la Libération par une autre, installée aujourd’hui Square du Temple.
En 1921, après cette terrible guerre 1914-1918, Béranger est toujours dans les mémoires et est resté célèbre.
C’est ainsi que les nouveaux habitants du plateau de l’Épi d’Or nommeront une rue à sa mémoire. Elle deviendra la rue du 12 février 1934 par délibération du Conseil
municipal du 10 mai 1946, présidé par le maire Jean Lemoine.
Jean FOREST

La naissance de l’industrie du cinéma débute vers 1910. Il s’agit d’un public populaire qui est visé. Les premiers films projetés sont muets mais dotés d’un
accompagnement musical réalisé par pianiste dans la salle.
Le cinéma commence à s’orienter vers de grandes productions avec des scénarios plus construits et de somptueux décors.
En 1922, le metteur en scène, Jacques Feyder, cherche un petit bonhomme, un vrai titi parisien, un petit gars de la Butte Montmartre. Il le trouve dans ce
quartier des petits poulbots. Il recherche un enfant au visage expressif, sensible, naturel, pour le personnage dans un film « Crainquebille » d’après la nouvelle
de l’écrivain Anatole France. Son choix se portera sur Jean Forest qui a 10 ans habitant au n° 9, place du Tertre.
L’intrigue de ce film est simple : un vieux marchand de quatre saisons, Crainquebille, est jugé et jeté en prison. Il est accusé d’avoir insulté un agent de police.
Délaissé de tous, il trouvera sur son chemin d’infortune un petit garçon (Jean Forest, l’acteur) qui seul l’aidera à s’en sortir.
Constatant le talent de l’enfant, Jacques Feyder va lui confier le rôle vedette d’un film « Visages d’enfants ». Ce sera un chef d’œuvre du cinéma muet qui pour
la première fois peint la détresse enfantine devant la mort.
Jean (joué par Forest, acteur principal), le petit parigot se glisse dans la peau d’un petit montagnard du Haut Valais. Avec son père, il vit le grand chagrin de
perdre sa mère. Seule sa petite sœur Pierrette, agée de 5 ans, ne réalise pas le drame. Le temps passe et son père envisage de refaire sa vie. La nouvelle épouse,
Jeanne, jeune veuve du village, est mère d’une fillette Arlette. Le petit Jean vit très mal cette union. Il refuse l’affection et l’autorité de sa belle-mère et
vit en rivalité avec sa nouvelle sœur Arlette, en qui, il voit une intruse. Ce mal-être ira jusqu’au drame.
Ce film suisse réalisé en 1923 ne sort qu’en 1925 en raison d’un désaccord
entre Jacques Feyder et l’administrateur de la société qui a financé la production.
C’est un long métrage d’une durée de 2 heures très en avance sur son temps. Il est bien reçu par la critique qui y voit une œuvre innovante sur les souffrances
de l’enfance. Il est comme un film sublime, un chef d’œuvre du cinéma muet qui pour la première fois peint la détresse enfantine devant la mort. Par contre sa
projection, par l’âpreté du sujet va profondément dérouter le public et le marquer dans son esprit. C’est un appel à la protection, aux droits de l’enfant où
dans ce long métrage, Feyder a donné un rôle de premier plan à Jean Forest, âgé alors de 11ans.
La présence d’une salle de cinéma à Saint-Cyr l’École est très appréciée et fréquentée. C’est une ouverture sur la vie, la connaissance comme le sera l’arrivée
de la télévision.
Lorsque la troisième section du lotissement de l’Épi d’Or sera achevée en 1928, les acquéreurs, très marqués par le sujet abordé par ce film sur l’enfance donneront
le nom de Jean Forest à une rue.
Le jeune Forest tourne encore plusieurs films, mais l’enfant grandit et le public a du mal à le suivre, d’autant que le cinéma parlant est arrivé. Sa carrière
cinématographique s’arrête en 1935. Sa carrière va se poursuivre à la radio.
Avril 2016
Jean ROSE